Nous évoquions, il y a quelques mois, le phénomène des problèmes de dos au sein de nos unités de terrain. Depuis l’état d’urgence, ce fléau n’a fait que s’accentuer. Si nous connaissons tous les difficultés et les contraintes que nous pouvons rencontrer au quotidien sur notre condition physique, qu’en est-il d’un point de vue opérationnel et comment réduire les risques ? Si il est vrai que certains individus sont plus sensibles que d’autres aux problèmes de dos, force est de constater que l’amplification du phénomène vers une plus grande quantité de gendarmes ces derniers mois n’est pas due au hasard. Depuis de nombreuses années, une grande quantité d’unités était déjà à flux tendu, avec un emploi du temps conséquent. En cause, le manque d’effectif, une répartition géographique fonctionnelle lors de sa mise à l’écrit mais inefficace dans la réalité. Mais également, une gestion déplorable des effectifs sur le planning quand l’unité a le malheur de voir débarquer un tout nouveau commandant, tout frais émoulu. Satisfait d’avoir gravi les échelons mais incompétent dans la gestion humaine opérationnelle. Commander ou gérer des êtres humains cela ne s’invente pas, qu’ils soient militaires ou « simples » citoyens. C’est pour toutes ces raisons que l’on peut faire le constat d’unités avec une grosse charge de travail mais avec du personnel en forme et opérationnel et à l’inverse, d’unités avec des circo « plus souples » et des militaires au bout du bout, autant moralement que physiquement. Enfin, les difficultés à répondre à un état d’urgence plus politique qu’opérationnel ou des dirigeants annoncent tous les mois des renforts qui n’existent pas... Apparaissent alors quelques contraintes physiques tout à fait légitimes dans ce genre de circonstances, à commencer par les problèmes de dos. Travailler le jour et la nuit avec son ceinturon, son gilet pare-balles, voir ses quartiers-libres et ses jours de repos sauter tous les 4 matins, le corps finit par dire stop ! Si le gendarme en est la première victime, la Gendarmerie souffre aussi de ce manque de personnel qui peut se voir attribuer plusieurs arrêts maladies en quelques semaines, ou encore être maintenu dans son emploi mais avec une exemption de service externe. Tout cela pour revenir au point de départ et de nouveau accumuler de la fatigue en seulement quelques semaines. Ce sont alors les camarades de l’unité qui doivent compenser, mais ils ne sont pas indestructibles non plus... C’est le cercle vicieux... Au final c’est la sécurité du citoyen qui se voit amoindrie. Il faut aussi penser à l’aspect financier. Si le gendarme est arrêté un mois complet pour une sciatique, il ne faut pas oublier que sa solde est maintenue. Le coût annuel des arrêts maladies du aux conditions de travail se chiffre en centaines de millions d’euros. Pour n’évoquer que le mal de dos, c’est une histoire sans fin, un puits sans fond ! En dehors des « causes » évoquées précédemment, lesquelles peuvent facilement être améliorées pour peu que notre direction et nos dirigeants s’imposent une contrainte de résultat au-delà de la seule logique statistique bête et méchante, plusieurs solutions sont souvent discutées dans les unités. L'exemple le plus récurent étant le port du holster de cuisse à généraliser ou pas. L’équipement peut être plus efficient, moderne, et respectueux de la contrainte physique sur la durée. Il existe des gilets plus légers et tout aussi efficace mais cela coûte cher paraît-il... Et les soldes dans le vide cela ne coûte pas cher ? Oui nous le savons, ce n’est pas dans le même budget ! Mais finalement, il reste un point, un seul point rarement ou jamais évoqué, l’amélioration de la condition physique ! L’amélioration de la condition physique est le premier « médicament » préconisé par les spécialistes du dos et c’est aussi le cas chez les sportifs de haut niveau (rugbymen par exemple). L’amélioration de la condition physique est l’axe majeur de la méthode de soin pour que les individus souffrant de douleurs chroniques recouvrent la pleine santé ! Alors qu’attendons-nous pour réinventer l’entretien physique, le sport chez les militaires de la Gendarmerie ? Ah pardon... C’est vrai... Nous courons... Nous courons bêtement afin de valider le sacro-saint CCPM et son 3 kilomètres injustifié et injustifiable ! Si courir peut-être un bienfait, qui peut par ailleurs être une passion, c’est complètement contre-indiqué en cas de problèmes de dos. Courir régulièrement dans de bonnes conditions n’est pas un mal. Mais courir comme un vieux tracteur essoufflé, seulement quelques jours ou semaines avant les CCPM pour ne pas se faire tordre par sa hiérarchie, ne peut que desservir la vision d’un sport positif et cela n’améliore pas notre état physique, bien au contraire... Et si l’institution se dirigeait vers un partenariat public/privé avec les grandes chaines de salles de sport ou des « boutiques » plus petites dans les lieux enclavés ? Partons du postulat que les 2 heures de sports par semaine soient une généralité (pour que ce soit le cas on en revient à la gestion humaine et opérationnelle des effectifs, CQFD). Au lieu de lâcher les ouailles dans la nature, seuls ou encadrées par un camarade pas plus professionnel du sport qu’un lampadaire, passons des partenariats avec les professionnels afin de servir à moindre coût pour l’institution un encadrement sportif de qualité, avec de l’équipement adapté pour toutes les conditions physiques ! Nous perdons des millions d’euros en solde pour de l’effectif absent du terrain. Que nos reluisants commerciaux à barrettes au chaud sous les verrières de la DGGN se mettent en quête de contrats préférentiels pour les gendarmes de terrain, nous aurions tous à y gagner ! Ce serait un formidable outil publicitaire pour les salles de sport, « Agrées par la Gendarmerie Nationale », la garantie d’avoir du client fixe et « prestigieux ». La mise à disposition pour les gendarmes durant les heures de sport d’un encadrement adapté à chacun, plus d’excuses personnelles pour ne pas aller en sport. De la simple marche sur tapis, à des travaux plus physiques, il y en a pour tous les physiques, toutes les contre-indications médicales. Dans le même genre, pourquoi ne pas rendre l’accès aux piscines municipales systématiquement automatiques aux gendarmes sur leurs heures de sport ? A la fin de l’année nous aurions des gendarmes avec de biens meilleures aptitudes physiques. Un renforcement physique se traduit par moins de fatigue, une meilleure santé, moins de problèmes de dos... Qui dit moins de malades, dit moins de soldes perdues pour la France. Qui dit moins de gendarmes inaptes au terrain, dit plus de gendarmes au service de la population et de fait, moins de contraintes sur l’ensemble de l’unité. Le quotidien professionnel du gendarme de terrain est similaire à celui d’un sportif professionnel dans la cadence de travail. Il est donc inconcevable que cet aspect soit si peu abordé ou tout juste d’un point de vue médical une fois que le mal est fait. Nous souffrons et ça coûte des millions...